Le harcelement de rue, phénomène urbain réservé aux quartiers populaires?

En ce moment le film de fin d'étude de S. Peeters sur le harcèlement de rue fait le buzz médiatique et suscite de nombreuses réactions dont celle très intéressante de Vogelsong. Mais le harcèlement de rue et les tentatives de mise en lumière de ce phénomène par les mouvements féniministes n'est pas nouveau. La "journée de la jupe" lancé en 2010 par Ni pute ni soumise incluaient bien le harcèlement de rue dans l'ensemble des violence faites aux femmes. Mais le message entendu a surtout été contre les violences physiques et le harcèlement de rue est un peu passé à la trappe. C'est probablement la première fois que ce thème apparait en tant qu'entitée à part entière et non noyé soit dans la globalité des violences faites aux femmes soit dans le harcèlement sexuelle (puisque c'est bien de celà qu'il s'agit...).

Mais je crois aussi qu'on a transformé ce film en ce qu'il n'est pas. Il s'agit d'un film de fin d'étude réalisé par une étudiante en cinéma. C'est un témoignage tournée en caméra cachée de ce qu'elle a vécue. Elle l'a tournée dans un lieu qu'elle fréquentait régulièrement. Vu la difficulté de son sujet, il est difficile de lui reprocher de ne pas s'être aventurer "en terrain inconnu" et de ne pas s'être mise plus en danger. Elle est cinéaste, pas journaliste ou chercheuse. Qu'il y ai un partie pris de lieu dans son témoignage n'est pas choquant. C'est un témoignage rien de plus et je trouve qu'elle prend beaucoup de recul par rapport à celui-ci en ayant essayé justement de ne pas le livré "brut de pomme" mais d'en faire un véritable objet cinématographique. Mais c'est bien du cinéma pas du journalisme. Ce n'est pas à mettre sur le même plan que l'excellent reportage d'Envoyé spécial sur le harcèlement de rue en Egypte (vidéo non sous-titré, désolé...) diffusé le 16 février 2012 et rediffusé en début d'été. Celui-ci donnait effectivement autant la parole à des femmes qu'à des hommes, à des femmes voilées, non voilées, religieuses (voire membre des frères musulmans), à des chercheurs, des militants et il en ressortait une impression générale parfois très différente de ce que certains témoignages laissaient supposer. Mais c'est du boulot de journaliste. Chacun son rôle. Les militantes, associations ou artistes témoignent et dénoncent. Les journalistes et chercheurs (sociologues, politologues, spécilistes du genres, géographes, ...) enquètent et étudient les phénomènes. Mais ce qui me choquent c'est qu'on demandent à une cinéaste d'expliquer un phénomène et que limite ou lui reproche de ne pas disposer de statistique sur le harcèlement de rue au niveau national belge voir européen pour prouver si oui ou non c'est un problème limité aux quartiers populaires ou si c'est un problème plus profond. Elle livre un témoignage, c'est au journaliste d'enquéter quand même... Il ne faudrait pas inverser les rôles à toujours trouver de l'information prémachée et prête à diffuser.

Quand au fait que ce film soit repris par les sites d'extrème droite, ce n'est à mon sens pas révélateur ni de sa qualité ni de son absence de qualité. Beaucoup de fait réel, d'oeuvres cinématographiques, de travaux d'universitaires sont partiellement ou complètement repris par les sites d'extrème droite et passer par leur prisme déformant. Il ne sert à rien de se voiler la face. Il y a des noirs, des magrébhins et des immigrées de toutes nationalités en France comme en Belgique. Donc quoi qu'on face, il y aura forcément des faits les impliquant. Et la petite manie consistant à ne retenir de l'actualité que ce qui peut avoir un rapport avec l'immigration réelle ou supposée donnera toujours des résultats (même si parfois aux travers de ce prisme déformant, il y a des erreurs et on pointe du doigt des idées reçues, des français depuis X générations, des antillais, voire même soyons fous des innocents...). Que la célèbre phrase de Michel Rocard "La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part" prononcée en 1990 et reprise à toutes les sauces et par toutes les sensibilités politiques ne retire rien à la justesse du propos tant qu'on s'en tient à l'intégralité de la citation. Je crois que c'est la même chose pour ce film. Son témoignage (puisque je le répète, il s'agit bien de celà) est juste dans son propos. Que l'extrème droite fasse l'analyse qu'ils en veulent. De toute façon s'ils n'utilisent pas ce film, ils trouveront bien autre chose pour s'occuper et lancer des rumeurs comme de fausses rémunérations ou je ne sait quel scandale d'état caché par le lobby maçonique/juif/communiste/homosexuel/musulman (rayer la mention inutile).

Mais pour faire avancer le débat, je vais aussi livrer mon témoignage sur le harcèlement de rue. Physiquement je suis sensiblement identique à S. Peeters. Jeune, plutôt fine (je fait du 38), bien que pas forcément grande (1m65) et blanche. Les seules différences : je suis brune, j'ai les cheveux très courts, je porte des lunettes, des appareils auditifs (mais la plupart des gens ne les remarquent pas) et je me déplace avec une canne anglaise ou en fauteuil roulant. Question environnement, rien à voir non plus. Je vis à Guéret, préfecture de la Creuse : une ville de moins de 15 000 habitants dans un département rural. Pas vraiment Bruxelles... Il y a bien des HLM mais qui sont intégré au milieu des autres immeubles et maisons. Il est difficiles d'y définir des "quartiers pauvres" et des "quartiers riches" à moins d'avoir une notion de quartier limité à trois maisons et deux immeubles, bref un truc limités par le croisement de quatre rue (un "paté de maison" quoi...). Mes déplacement se limitent pour la plupart à la région. Je vais régulièrement à Limoges (140 000 habitants) ou à Montluçon (42 000 habitants) (bon c'est plus le Limousin, mais on va pas chippoter sur la géographie, c'est pas le sujet...). Sinon je reste sur a département. Je vais très rarement à Paris (trois ou quatre fois par ans). Sur le Limousin comme sur Montluçon, on ne peut pas dire que les allochtones soient majoritaires. Question vestimentaire, je vais au plus pratique. pour les chaussures, c'est bottines toutes l'années quelques soit le temps. Ca me tient bien le pied et les chevilles tout en restant pratique à enfiler et il y a de jolis modèles. La bottine pour moi est l'alliance parfaite du fonctionnelle et de l'esthétisme. Question talon, c'est uniquement pour les très grandes occasion quand je sait que je ne serait qu'en fauteuil et pas amener à marcher même sur quelques pas (donc que le lieu est entièrement accessible), donc dans la rue, ça n'arrive jamais... Pour le bas, la plupart du temps je porte des jeans ou des pantalons de lin avec une à deux tailles de trop parce que c'est plus pratique à enfiler puisque je m'habille assise (à essayer, vous verrez comme c'est pratique d'enfiller un jean taille basse ajuster comme il faut... Surtout les strech, à bannir de la garde robe). Pour compenser, je met une ceinture pour que ça tienne une fois debout. Je met parfois des jupes pour les grandes occasions mais il s'agit des longues jupes amples. La façon très particulière dont je marche ne me permet pas de porter de jupe droit ou de jupe portefeuille. Sinon il me faudrait rester en fauteuil et ses jupes ne sont pas tailler pour rester assise... Pour le haut, à force de tomber, je me suis faite de très disgracieuses cicatrices sur les épaules et le dos. Je porte donc au moins des t-shirt avec des manches couvrant le deltoïde mais je suis plus à l'aise avec des manches trois quart : jamais de débardeurs, de dos nu ou de t-shirt sans manche. J'ai donc peur de ne pas rentrer dans la catégorie des "porteuses de tenues affriolantes" ou alors il faut revoir d'urgence les rayons des magasins de vêtements pour signaler de façon plus claire ce qu'il est de bon ton de porter et ce qui est considérer comme "non respectable"...

Et pourtant je suis comme elle, victime régulièrement de harcèlement de rue quand je me déplace seule. Mais la grande différence est que je n'ai pas remarqué de profil "type" Les hommes qui m'abordent ou font des remarquent déplacés sont des tous âges et de toutes couleurs de peau. J'ai l'impression, sans vouloir tomber dans la sociologie de bazar, que le profil des hommes est relativement conforme à la sociologie de la ville ou je me trouve. Quand un quarantenaire aussi blanc que moi, me détaille de la tête au pied avant de me dire "C'est dommage, ça gache la marchandise...", s'en va avant de revenir vers moi quelque seconde plus tard pour me dire "Au fait ça se passe comment sous la ceinture? Parce que finalement au lit, je suppose que vous gardez pas votre bazar...", je me suis aussi posé la question de savoir si c'était mon handicap qui suscitait des fantasmes ou si c'était comme ça pour toutes les femmes. Pour moi, c'est franchement courant. Je suis abordée, sifflée ou insultée à peu près une fois sur deux quand je sort seule. Cela ne m'arrive jamais quand je sort accompagnée que ce soit par un homme ou par une femme. La seule différence que je vois avec le film est la fond des remarques. Pour répondre à Vogelsong, j'ai déjà entendu, un homme de couleur accosté une femme de couleur par un "Hé ma soeur, vient passer un moment agréable sur mes genoux". Je ne pense pas qu'il se serait adressé de la même manière à une femme blanche. Tout comme S. Petters n'a jamais eu les même remarques que moi sur le fait que le handicap "gache" un physique plutôt agréable par ailleurs. Alors oui, comme pour beaucoup de femme ce film, en tant que témoignage me fait du bien. Parce qu'il me remet à ma place de femme, victime de sexisme ordinaire. Tout comme Cécile Duflot l'a été pour avoir osé porter une robe à fleur à l'assemblée nationale. Quand c'est un homme blanc issu des bancs de l'assemblée comme d'un milieu rural c'est de "la gauloiserie" ou de la "drague lourde". Quand c'est un "allochtone" c'est de la "mauvaise éducation". Mais dans tous les cas, pour moi c'est clair et net, c'est du machisme et de la violence à l'égard des femmes. Et à partir de témoignage comme celui de S. Peeters ou du mien, nous avons besoin, à la fois en tant que société organisée et politisée mais aussi pour ma part en tant que membre d'une organisation féministe, que les chercheurs et les journalistes s'emparent réellement du sujets pour produire des données et des enquètes fiables pas des impressions pifométriques à partir de vécus intimes et militants. Parce que la démocratie mérites plus que des clichés selon lesquels la violence appartient aux "barbares incultes" et vient toujours d'inconnus, parce que la parole des femmes doit-être entendu et non dénigrés, parce que certes il y a des violences qui sont pire comme les viols, les violences physiques, l'exission mais doit-on pour autant tout accepter? Le respect des femmes et de leur consentement ne doit pas avoir de limite, ni à l'assemblée nationale, ni dans les campagne, ni dans les quartiers populaires, ni dans les transport en commun, ni dans quelque autre lieu que ce soit. Et si une partie de nos députés ont su nous rappeler pour une simple robe que les sifflet était une réalité, je ne pense pas qu'on puisse réduire le sujet à une question de revenu, d'âge et d'éducation ou alors les données publiés par l'assemblée nationale ont été piratée et il faut s'inquiéter sérieusement pour notre démocratie.

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