Diagnos tique

Il y a quelque temps, je discutait avec un ami lui aussi pluripathologique chronique et handicapé. Assez naturellement, nous en somme venu au fait d'informer notre entourage militant d'un diagnostique et de ce que ça voulait dire pour nous deux. C'est étrange comme notre vécu se ressemble. Il ne donne pas ses diagnostiques parce qu'il en a marre des "je serai toi, je me suiciderais". J'ai aussi eu mon lot de cette remarque. Dans une société validiste et saniste, que nous ayons atteint un stade de cadres politiques reconnus ne compte pas vraiment.

Je ne dit plus que très rarement mes diagnostiques mais il m'arrive régulièrement d'expliquer mon handicap ou un symptôme quand il y a une utilité à le faire. Par exemple, je suis aphasique avec manque du mot. Avec le stress que ça engendre, je suis littéralement incapable de lire à haute voix devant un public et comme ma mémoire me joue aussi des tours, je ne peux pas réciter un texte appris par cœur. Du coups j'improvise sur la base d'une trame préparé à l'avance. Ce n'est pas anodin pour les meetings et les réunions publiques où je suis orateur. Et pour avoir les adaptations dont je besoin, tel que ne pas me couper la parole ou ne pas relancer une question auquel je pense avoir répondu, il vaut mieux en parler et voir en amont plutôt que de me retrouver bloquer dans mon expression orale. Je connais le mécanisme de cette aphasie et pourrai donc dire "c'est un symptôme de telle maladie". Mais je remarque de plus en plus les biais de la 4G sur ce sujet. En effet, avec un diagnostique, il est très facile de taper le nom sur son smartphone et d'avoir accès au mieux à des renseignements médicaux qui ne font pas dans la dentelle (tel qu'Orphanet qui s'adresse avant tous au médecin généraliste pour les aider à prendre en charge une personne ayant une maladie rare) au pire, à des renseignements erronés que ce soit par une absence de mise à jour sur les thérapies actuels soit par une mauvaise compréhension de données médicales ressorties comme étendard. C'est particulièrement criant quand il s'agit de données sur l’espérance de vie qui n'est qu'une probabilité et qui est souvent confondu avec une prédiction.
Je ne donne plus mes diagnostique pas seulement parce qu'il est plus efficace d'expliquer un symptôme mais aussi parce qu'il est d'usage de paraître infaillible pour être cadre politique. Je me souvient que durant la campagne des élections régionales, il y a eu une polémique sur le fait de commémorer ou de célébrer Napoléon Bonaparte. Je m'en souvient parce qu'un journaliste m'a demandé quelle était ma position sur cette question. J'avoue qu'à cette époque, je ne savait même pas qu'il y avait une différence entre les deux mots. Je ne sais plus trop comment j'ai répondu mais je ne voyais vraiment pas le rapport avec les compétences d'une assemblée régionale. Et au final, je constate que je me mets des barrières en me disant que vu mon niveau de handicap, je ne peux pas être élu justement à cause de cette infaillibilité mais aussi parce qu'être élu, c'est plus qu'à temps plein.

Si j'assume clairement mon épilepsie et ma surdité, c'est aussi politique. Je conçois qu'il faut des référents, des personnes qui montre clairement que c'est possible. Mais je vois de plus en plus un biais dans cette position. C'est un peu donner l'impression que si j'y arrive sans trop d'adaptation alors tous le monde devrait y arriver et au final, c'est souvent compris comme une démarche validiste et d'inspiration porn. C'est plus marqué dans le handisport de haut niveau mais le mécanisme est le même. La personne ne s'appartient plus et devient un exemple de la non nécessité de faire des adaptations. Si telle personne est capable de monter des marches de plus de 10cm alors pourquoi mettre une rampe d'accès pour la masse des autres qui ne le peuvent pas? C'est le chômeur qui n'a qu'à traverser la rue pour trouver du travail mais c'est aussi la personne handicapé qui devrait reprendre le travail pour redevenir indépendante financièrement. C'est aussi la personne handicapée qui ne peux avoir de logement personnelle parce qu'il n'y a pas suffisamment d'aide légal, par exemple pour avoir une aide ménagère. A cet égard, il y a un énorme trou dans la raquette entre ceux qui ont les moyens d'en avoir une en profitant du crédit d'impôts et ceux qui ont des revenus si bas que le CCAS peut lui octroyer le financement par l'aide sociale en nature. Ceux qui ont un budget entre ses deux situations doivent se débrouiller. Et c'est bien un choix politique de ne pas financer les aides ménagères par la prestation de compensation du handicap. La question du financement est centrale mais pas dénoué de biais sociaux. Par exemple, pour les personnes qui vivent en couple hétérosexuel, la question de la répartition des tâches ménagères est dans ce cas un vrai marqueur politique. Quand je travaillais à la MDPH, j'ai vu de nombreuses femmes m'expliquer que si "en plus" elle ne faisait pas le ménage alors qu'elle ne travaillais pas du fait de leur handicap, elles allaient s’attirer les foudres de leur partenaire et à terme mettre en danger leur couple. Et ça me hérissait. Cette façon de faire reposer sur l'autre des tâches sous prétexte qu'elle a le temps et franchement misogyne et validiste. Et pourtant cette question mérite d'être porter parce que la vie autonome à domicile passe aussi par l'aide ménagère que ce soit pour les célibataires ou les personnes en couple. Il n'y a jamais rien de neutre quand il s'agit de militer dans une société validiste.

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