La charge mentale est la « to do list » du cerveau. Elle
fonctionne en arrière-plan même en étant concentré sur autre chose. Avoir une
maladie chronique augmente de beaucoup cette charge mentale parce qu’il y a des
critères supplémentaires qui s’agrègent. La prise en compte de la fatigabilité
dans le quotidien est la première des contraintes. Je ne tient pas une journée
complète sans sieste et il faut donc que j'organise mes après-midi avec cette
contrainte. Travailler le matin me va bien justement à cause de cette
fatigabilité. Mais il y a tellement d’autres choses plus simple qui encombre
l’esprit.
La gestion des médicaments est une tâche en soi. Il faut penser à aller à la
pharmacie tous les mois au bon moment pour pouvoir avoir la délivrance des
médicaments tout en gardant une marge en cas de rupture de stock. Il y a aussi
la gestion des rendez-vous médicaux récurrents. Par exemple je vois mon
généraliste tous les trois mois, mais il faut aussi que je prenne en compte les
rendez-vous avec les spécialistes pour savoir s’il va me manquer tel ou tel
médicaments avant qu’ils renouvellent l’ordonnance.
Et puis il y a la question de la gestion au jour le jour. J’ai longtemps été
rétive au pilulier mais je dois avouer que dépasser trois médicaments par jour,
c’est un vrai soulagement. Il permet de savoir s’il y a eu un oubli ou pas et
ne nécessite de la concentration qu’une fois par semaine lors de son
remplissage.
La question de la gestion de mes difficultés sur le long terme est aussi une
contrainte qui guide et rythme mon quotidien. Je dois en permanence faire des
choix et prioriser. Partir en vacances ou participer à Opéramix? Anticiper la
fatigue de Noël ou jouer la sécurité face à la chaleur? Sortir le soir ou
dormir? Il n'y a pas de mauvaises réponses à ces questions. J'aimerais tout
faire mais ce n'est pas possible. Quand j'ai repris le travail en début d'année
après un an et demi d'arrêt, je pensais pouvoir reprendre à terme à 80% comme
avant. Mais ce sera probablement impossible. Alors il faut que j'anticipe une
éventuelle perte de ressource quand mon mi-temps thérapeutique sera
terminé.
Et même si j'avais anticiper une canicule en me laissant de la marge coté
congés, je n'avais pas anticiper une période de chaleur sans être en canicule.
Je ne fais quasiment rien de mes après midi parce qu'il fait trop chaud pour
moi. J'arrive à travailler parce que je suis à mi-temps et que mon bureau reste
particulièrement frais. Mais comme tout ce qui me contraint, ça m'énerve d'être
coincée à ne rien faire.
Il m'arrive de ne pas me rendre à des rendez-vous ou de ne pas répondre à des
sollicitations. C'est juste que j'oublie. Entre les effets secondaires des
médicaments et la charge mentale quotidienne, je me rend compte que j'ai de
plus en plus besoin de noter. L'agenda de mon téléphone m'est devenu
indispensable pour m'organiser une semaine qui soit tenable. J'ai du mal à
accepter que j'ai moins de limitation physique et un équilibre de vie qui s'est
réduit. J'ai moins de cuillères dans ma journée alors que je pensais, quand
j'ai commencer le traitement, en avoir plus. Et je ne sais pas dire si ce choix
était le bon. Mais j'ai l'impression de ne plus pouvoir retourner en arrière
alors autant faire avec ce que j'ai.