Supporter les propos inappropriés

J'ai déjà parler dans une autre billet de la pratique de l'isolement volontaire en cas de fatigue et/ou de difficulté de santé. Je me rend compte que même si j'ai évoqué une des facettes des difficultés de communication, à savoir ma tendance à m'exprimer avant de réfléchir, je n'ai pas aborder l'autre versant.

Il y a des façons de communiquer avec lequel j'ai du mal quelque soit mon état. Par exemple, tous ce qui est généralisation m'agace. Aucun groupe n'est homogène et quand je m'exprime, je ne suis, au mieux, qu'une voix parmi d'autres exprimant la même opinion. Je ne suis pas "les personnes handicapées", pas plus que je ne suis "les sourds", "les usagers des transport en communs", "les insoumis", "les femmes", "les fous", "les patients" (dans le sens usager du système de santé), "les malades", "les travailleurs", "les jamais satisfait", "les utopistes", "les rêveurs", "les fonctionnaires", "les ruraux", ... C'est incroyable mais en dehors de fonctions officiels (tel que celle nécessaire à mon travail) mais les seules personnes que je consulte avant de m'exprimer sont mon cerveau et mes émotions (si jamais il est possible de séparer les deux). Parfois il arrive que ce que je dis rejoigne le sentiment partagé d'un groupe de population. Dans ce cas, j'en devient une part mais jamais le tout. Ainsi je fais parti des personnes choquées par les clichés déshumanisant de la représentation de l’hôpital psychiatrique dans l'émission Fort Boyard (si vous en faites aussi parti, une pétition peut être signer). Pour autant, je ne suis ni tous les usagers de la psychiatrie, ni toutes les personnes ayant subis un jour une "contention médicale" et encore moins toutes les personnes ayant subis des soins contraints (pour la bonne raison que je ne fais pas parti des concernés). Mes indignations m'appartiennent et ne me sont pas imposer par des gourous interchangeables au gré de leur contenu.
En temps normal, j'arrive à entrevoir le raisonnement sous-tendu par dette forme d'expression, à savoir que si une majorité d'un groupe homogène exprime une opinion alors elle devient l'expression du groupe en lui même. Même si je ne le comprend pas pour autant. J'ai du mal à globaliser et je m'attache bien plus aux détails, aux nuances. Il parait que c'est ce qui me donne une bonne capacité de synthèse, parce que justement je sais donner un sens cohérent aux nuances. Peut-être, j'en sais rien. Mais en tout cas, habituellement, je tolère l'utilisation d'une généralisation pour parler d'un groupe (ou d'une partie d'un groupe) ayant un point commun.
Mais quand je suis fatigué, c'est une façon de communiquer qui me met viscéralement en rage. Je l'interprète comme une façon de nier l'identité de chacun, et donc au passage la mienne. Je suis unique, comme tous le monde. Forgé de rencontres et d'évitements, de joies et de tristesses, de réussites et d'échecs, de choix et d'obligations, de réflexions et d'étourderies, de certitudes et de doutes, je suis bien plus que la somme de toutes les moments que j'ai vécu et bien moins que tous ce que j'aurai pu en tirer. C'est cette unicité qui fait la nuance, l'intérêt même de l'altérité au sein d'un groupe. Alors pourquoi vouloir systématiquement réduire, s'adresser au groupe plutôt qu'à ses membres? C'est une question dont je n'est pas la réponse.

Et puis il y a cette personne qui veut être bienveillante, qui souhaite tellement t'apporter son conseil, qui en somme ne veux que ton bien mais qui le dit si maladroitement. Parfois c'est inapproprié parce que ne correspondant pas du tout à ma situation (le fameux "mais si tu faisais plus d'efforts pour marcher, tu pourrais pas finir par remarcher normalement" C'est vrai que c'est une option qui ne m'est vraiment, mais alors vraiment, jamais venu à l'esprit de faire des efforts tous les jours et encore plus en rééducation...), parfois c'est juste agaçant d'évidence ("mais tu a pas penser à changer de neurologue?" En fait, je l'ai même fait plusieurs fois mais médicalement, apparemment, ça change pas la problème de base) et parfois c'est "juste" une mécompréhension (par exemple sur la différence entre "ne pas sortir" et "ne pas être physiquement et/ou moralement en capacité de sortir"). Quand je vais bien, j'évacue le sujet ou parfois j'explique en quoi ce type de propos est problématique. Mais quand je suis fatiguée et/ou malade, ça m'agace encore plus qu'à l'ordinaire. Je n'arrive plus à gérer l'option "ignorer ou changer de sujet" mais je n'arrive plus non plus à expliquer en quoi ces propos sont problématiques parce que ce type d'explication demande du temps et de l'énergie. Alors soit je m'énerve toute seule le temps de trouver un compromis entre l'explication pédagogique et le changement de sujets, soit ça part sans que j'ai vraiment eu le temps de mettre en forme mes idées. Dans tous les cas, je regrette à posteriori, soit parce qu'en me décentrant de mes ressentis je comprend mieux la pensée qui a été exprimée, soit parce que la violence est rarement absente de ce type de réponse. Finalement, j'en arrive à une conclusion simple, tous les conseils du monde ne peuvent être entendus et compris que ceux qui en sont demandeurs. Pour les autres, mieux vaut les laisser cheminer sous peine d'être ressentis comme intrusifs et violents.

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