Si tu savais le nombre de fois où j'entends "si tu savais" et où j'ai envie
de répondre "oui je sais".
Si tu savais la douleur infinie du matin. Je connaît les douleurs neurologiques que
rien dans la pharmacopée actuelle ne calme. Je sais la fatigue qu'implique les
douleurs continues et la difficulté de "s'arracher" du lit.
Si tu savais la difficulté de s'endormir après une journée "normale" (et encore
plus avec une journée "chargée"). Je connaît les troubles du sommeil qui
épuisent et la culpabilisation qui les accompagne. Je sais la somnolence toute
la journée et les siestes à n'importe quelle heure.
Si tu savais l'angoisse de l'attente des examens puis de leurs résultats. Je
connaît cet immense flou entre l'apparition des symptômes et leur prise en
charge. Je sais les inquiétudes voire les angoisses qu'ils génèrent.
Si tu savais la difficulté de la gestion des soins. Je connaît la difficulté
des choix thérapeutiques entre peste et choléra. Je sais cette impression
constante de faire les mauvais choix.
Si tu savais le froid qui épuise et la chaleur qui écrase. Je connaît les
affres du changement de temps dans mon corps. Je sais qu'aucun vêtement n'y
remédieras complètement.
Si tu savais l'impression de déranger. Je connaît les passages aux urgences à
répétition parce qu'il n'y a pas de filière d'hospitalisation impromptue. Je
sais l'immense charge de travail des soignants sans que je vienne en
ajouter.
Si tu savais les emplois du temps mités. Je connaît la difficulté de prendre
les rendez-vous de suivi et de les adapter à mes disponibilités. Je sais la
gestion du temps entre le travail, les tâches ménagères et le suivi.
Si tu savais la peur de décompenser. Je connaît les hauts et les bas d'une
maladie chronique. Je sais cet épée de Damoclès qui en un jour peut tout faire
s'écrouler comme un château de carte.
Si tu savais la pudeur d'écrire sans pseudonyme. Je connaît les rumeurs et les
bruits de couloirs. Je sais les efforts pour ne pas être considéré comme une
petite chose fragile.
Si tu savais la tentation de renverser la table, de tout envoyer valser. Je
connaît l'errance de spécialiste en spécialiste. Je sais les erreurs de
diagnostiques et leurs conséquences.
Si tu savais ces symptômes qui envahissent la vie. Je connaît les troubles du
comportement. Je sais la difficulté de ne pas organiser sa vie autour.
Si tu savais la difficulté de passer outre et de se construire une vie. Je
connaît la tentation d’arrêter de travailler, de se laisser porter par le temps
qui passe. Je sais l'envie d'en discuter en permanence, de faire tourner la vie
autour de la maladie.
Si tu savais l'envie d'en sortir. Je connaît les pauses thérapeutiques, les
soins qui s'allègent "pour souffler". Je sais la fatalité de la reprise des
soins.
Si tu savais les regards qui fuient ou qui s'attardent. Je connaît la
discrimination et les préjugés. Je sais le mal qu'ils font et l'impossibilité
de les prendre réellement avec le sourire.
Oh oui, si tu savais...