Ca n'a pas de culture. Ca ne devrait pas traîner dehors pendant le
confinement. Ca ne devrait pas se plaindre. Ca ne fait que fumer des joints. Ca
squatte les halls. Ca ne sais rien faire. Ca n'a pas d'avenir. Ca finira en
prison.
Ca n'est que des barbares. On est plus humain.
Il y a quelque temps, en squattant le hall de la médiathèque pour une vieille
histoire de clé, je me suis aperçu que des lycéens le faisait en masse aussi le
mercredi après midi (et peut-être d'autres jours...). Ils entrent et sortent du
hall créant un rassemblement autant dans le hall que devant la médiathèque. Je
comprend que ça puisse être inquiétant pour les utilisateurs lambda de la
médiathèque. Ce jour là, il y a fallu que le personnel de la médiathèque
interviennent pour éviter une bagarre. Ils ont fini par appeler la police après
une tentative de négociation pour qu'ils fassent moins de bruit en premier lieu
et qu'ils sortent pour fumer plutôt que de le faire dans les toilettes
adjacentes au hall.
Mais en dehors de l'évènement en lui même, j'ai été étonné de l'emploi du "on"
et du "ça" dans les discours des uns et des autres et de l'étonnante
transparence politique de leur emploi. Le "ça" a été utilisé à plusieurs
reprises exclusivement pour parler de ces jeunes en tant que groupe tandis que
le "on" a été employer aussi bien pour désigner les travailleurs de la
médiathèque que le groupe de jeunes.
Le "ça" a toujours été employé de façon dévalorisante, réduisant le groupe de
jeune à un amas sans réelle identité et surtout sans réelle caractéristique
humaine. C'est les barbares qui assiègent la médiathèque plutôt que d'y entrer
et d'y utiliser les services proposés.
Le "on" lui est toujours resté dans la description d'un groupe, certes pas
toujours homogène, mais constituer d'humains avec leur désir contradictoire
entre chaque groupe mais néanmoins respectueux. On parlais presque d'égal à
égal, chacun cherchant un compromis dans un moment de tension particulièrement
vive.
Ce discours du "ça" et du "on" est revenu dans l'analyse d'un incident entre
les forces de l'ordre et d'un jeune à moto qui a failli y laisser une jambe
dans la banlieue parisienne. J'ai majoritairement vu des tweets reprenant la
rhétorique du "ça" pour désigner le jeune et dénigrer son comportement dans le
sens "il l'a bien chercher". Il y a là un biais certains. Même si je vis en
HLM, je n'ai pas la culture de la banlieue (certains diraient "de la rue")
puisque je n'y ai pas vécu et que j'ai eu la chance d'avoir une éducation
plutôt bourgeoise. Mais l'emploi du "ça" déshumanisant et dévalorisant me
choque. Comment résoudre la problématique des banlieues, des contrôle au faciès
et de la violence policière s'il n'y a pas une véritable réflexion sur cette
question. Il ne suffit pas d'améliorer le cadre de vie pour améliorer la
situation tant que ces jeunes ne sont pas reconnus dans leur véritable identité
d'humain. Et de ce coté là, "on" est très con.