Depuis le début du confinement, j'entends (et je vois) beaucoup
l'association "handicap = fragilité". Et ça m'énerve régulièrement. Du coups,
pour éviter de continuer à m’énerver dans mon salon, je fais en faire un billet
sur toute les aberrations que ça engendrent.
En premier lieux parce que le handicap ne peut pas être pris dans son ensemble.
Ce n'est pas parce que vous avez un handicap sensoriel que médicalement vous
avez des difficultés cardiaques et respiratoires. D'ailleurs la liste des
personnes fragiles n'est absolument pas sur des critères de taux et de type de
handicap mais fixée selon de contraintes administratives. Ainsi le fait d'avoir
une affection de longue durée rend à risque alors qu'il y a des ALD
n’entraînant pas systématiquement de handicap et inversement des handicaps qui
ne découlent d'aucune ALD. Même s'il y a des repères médico-sociaux permettant
d'évaluer le handicap, ils sont standardisés et pas toujours exempts
d'appréciations personnelles. Et comme il y a également un biais en or massif
sur les demandes avec la difficulté psychologique de se retrouver dans un
groupe social particulièrement stigmatisé, le recoupement entre fragilité
médical et handicap ne peut pas se faire.
En deuxième lieu, cette notion de fragilité a besoin d'être précisée comme
"fragilité médicale". Et c'est essentielle. Avoir des difficultés financières
aggravées par le confinement ne vous rend pas fragile tout court. C'est plus
les déserts médicaux et l'inégal accès à la médecine de ville qui le fait. Donc
même si fragilité financière et fragilité médicale peuvent être liées l'un
n’entraîne pas l'autre. La fragilité médicale est froide comme une échelle
d'évaluation. C'est oui ou c'est non mais il n'y a pas d'entre deux. La
médecine actuelle se veut rationnelle et scientifique à la différence de la
médecin philosophique d’Hippocrate. Et c'est là aussi un biais validiste. La
"bonne santé" est un état d'absence de maladie. Point à la ligne. Les questions
de fragilités financières, territoriales ou éducationnels ne concerne pas cette
médecine.
Finalement (et c'est là qu’apparaît mon copain capitalisme), relire une
fragilité comme un handicap et un plus grand risque de décéder du covid-19
n'est que faire en sorte de "classer" les humains par catégorie de droit à
l'accès de soins de réanimation. Pour les "grands handicapés" et les personnes
très âgées, ceux qui ne font que "coûter" à la société, n'ont pas les mêmes
droits parce qu'il est question de rationalité et non d'empathie. C'est une
question de hiérarchisation des corps et de leur capacité au travail. Dans une
société capitaliste, l'idée qu'il puisse y avoir une vie heureuse et fructueuse
très loin du standard du travailleur moyen parait improbable. Le validisme
classe les corps, la médecine encore plus. Et il est véritablement temps de
passer à une conception médico-sociale du handicap comme le recommande l'OMS
que de rester accrocher sur le modèle médicalisé qui stigmatise plus ou moins
les pathologies en fonction de leur honorabilité.