Privé de politique

Il parait que politique et vie privé ne font pas bon ménage. Et pourtant, militer est à la fois politique et privé.
Il est impossible de militer de la même manière quand on est concerné et quand on ne l'est pas. C'est particulièrement vrai quand il s'agit de santé ou de handicap. Il y a bien sûr une pluralité de points de vue sur ces sujets dont le fait de réduire ses propres vécus à une expérience purement privé ou de considérer que les proches des personnes concernées sont les meilleures personnes pour en parler. C'est actuellement la position majoritaire au sein du gouvernement et de la société. Etre parent d'une personne en situation de handicap suffit à être reconnu comme une "experte" dans ce domaine.

Cette invisibilisation de la parole des premiers concernés est le plus souvent considéré comme normale en raison de leur fragilité supposée et donc de la trop grande possibilité qu'ils soient manipulés. Quand il est questions de maladies chroniques invalidantes ou de handicap, quasiment rien n'est privé et encore plus quand il s'agit de handicap moteur visible. Ce n’est pas qu’une question de locaux, c’est aussi une question d’organisation de campagne. 
Lors de la dernière campagne présidentielle et législative, je ne conduisait pas ou peu, j’avais des rendez-vous médicaux réguliers, je travaillais à 80 % et pour couronner le tout j’étais en fauteuil. Et pourtant, je faisais parti de l’équipe de campagne. J’ai beaucoup travailler depuis chez moi notamment sur les visuels et pour une raison simple : malgré les recherches ayant pris en compte ce critère, le local de campagne possédait une très jolie marche donnant sur un dévers. Impossible pour moi d’entrer et de sortir seule. Guéret est une ville pentue et rechercher un local vraiment accessible est un casse tête. Ca voulais dire aussi que je ne faisais pas les permanences. Et les réunions publiques étaient de vraie expédition puisque que mon fauteuil était bien pliant mais ce n’était pas encore mon petit fauteuil actif. Du coups, c’était régulièrement soit fauteuil soit passager. Malgré toute la bonne volonté que l’équipe y a mis, j’ai du compenser beaucoup. Et ça me prenait de l’énergie que je ne pouvait pas dépenser dans des choses plus utiles. C’est pourtant une des campagnes où je me suis sentie le mieux intégré parce que la questions du handicap et de la maladie chronique avait été évacuée avant. Je savais quoi faire si au dernier moment, je n’étais pas en état de faire ce qui était prévu. Il n’y avait pas de drame. C’était juste la mise en place d’un plan B. 
Cette expérience m’a permis de trouver ma place dans un collectif de campagne. C’était la première fois que ça m’arrivais. Avant soit je compensais tout par moi-même, soit je ne faisais rien ou pas grand-chose. Il y a une vraie charge mentale spécifique au handicap. C’est l’anxiété construite dont Marina Carlos parle dans son livre. C’est l’écart entre la volonté de faire de la personne et entre ce qu’elle peut faire dans une société ou (quasiment) rien n’est adapté. Cet écart a été franchement réduit du fait de la prise en charge collective des contraintes. Et c’est ce qui met réellement en lumière que le handicap est du à une situation et pas à une caractéristique de la personne. 

Il y a aussi la question de la candidature. L’image de l’élu omnipotent et infatigable reste très présente. Alors comment faire pour envisager une candidature quand la fatigabilité envahit le quotidien. Comment d’un coté penser à la possibilité d’être élu quand il n’est déjà pas possible de travailler plus d’un mi-temps ? Là encore c’est une question d’organisation et de méthode. J’irai même jusqu’à dire que c’est une question de volonté politique. Il y a les candidatures de témoignage, mis en fin de liste et dont la parole est encore une fois invisibilisée. Comme il est d’usage de mettre des personnalités en fin de liste pour montrer le soutien, le citoyen handicapé est mis dans ce rôle. On ne lui demande pas de parler, ni de participer à la création du programme mais juste de se montrer, finalement comme on le ferai avec un totem. 
Sortir de cette posture deviens une double volonté, celle de la personne concerné mais aussi celle des autres membres de la liste. Et c’est encore là une question d’organisation et de collectif. Parce que la personne peut bien crier son envie de prendre part s’il n’y a personne pour écouter, ça reste une désert. Et là encore surgit la question de l’intrication du politique de la vie privé. Il n’y a que peut de personnalités vivant ouvertement avec une maladie chronique. Alors quand il s’agit d’un plurihandicap, ça doit se compter sur les doigts d’une main. Pourtant les représentations sont essentielles pour pouvoir se projeter dans un avenir quel qu’il soit. Tant que la politique restera perçu comme un truc d’homme retraité blanc en bonne santé, il restera difficile pour les personnes en situation de handicap de se projeter en tant qu’élu.

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