Au bal des masqués

J'ai déjà un peu parlé des raisons de l'invisibilité du handicap dans une page. Mais j'ai négligé l'aspect fondamentalement politique du handicap dans cette série de podcast. Le premier podcast d'interview de la ministre du handicap en est un exemple. Elle explique tranquillement que les institutions vont "changer le regard" sur les personnes handicapées. Dans la catégorie, j'ai connu une personne qui a renoncé à acheter un terrain parce qu'il jouxtait le terrain qu'une association gestionnaire venait d'acquérir pour y implanter une MAS (Maison d’Accueil Spécialisée, dans la grande hiérarchie des établissements, c'est celui qui est considéré comme le plus "lourd" avec des résidents à faible autonomie et nécessitant des soins quasi constant). Elle préférait relégués ces personnes hors de sa vue "des fois qu'ils sortent". Alors comment parler de changement de regards quand les établissements médico-social sont considéré comme faisant baissé la valeur immobilière du quartier?

En fin de compte, le virage inclusif n'aura pas lieu. Et c'est bien une vision caritative qui s'impose. Le grand handicap coûte très cher? Pas de problème, plutôt que d'augmenter la PCH (Prestation de Compensation du Handicap) et d'en étendre son champs (voir carrément en revoir les critères qui restent du domaine d'une vision médicale de l'autonomie), la ministres met en avant... le bénévolat, que ce soit des parents, des proches ou même d'inconnus au sein de congrégation (comme les fameuses maison de Simon de Cyrène). Tout est sous-tendu par une vision extrêmement christianique du handicap. Le handicap est une épreuve qu'il faut dominer le tout accompagné par la communauté. C'est bien sûr de l'inspiration porn chrétien bon tain. Ceci dit, il faut être honnête, c'est le cas pour toutes les religions du livre. Ce discours est tellement puissamment ancré dans de multiple sociétés. La question de "l'épreuve" du handicap qui se dépasse ou se cache dans les arrières cours dépasse la France.

Et il y a cette nouvelle obsession de la résilience. Il faut être résilient, rebondir, se dépasser. Ca me fait penser à une balle rebondissante. Dans la théorie physique la plus simplifiée, la balle va rebondir et revenir au point de départ et ceux de façon infinie. Dans la vraie vie, la balle ne revient jamais à son point de départ et les oscillations sont de plus en plus petite. Chaque difficulté, chaque impossibilité, chaque grain de sable entraînent une nouvelle problématique. Ca me fait penser à la loi Elan qui baisse le nombre de logement adapté ou adaptable dans les constructions neuves. Encore une fois, c'est enfermer les personnes. C'est bien d'avoir un logement adapté mais qu'est ce que c'est bien aussi d'aller chez des amis. Mais la ministre voit tout de même ce recul positivement puisqu'il y aura toujours des appartements adaptés ou adaptables dans les logements neufs. Cette injonction à la résilience évacue une nouvelle fois la globalité de la politique pour se concentrer sur du cas par cas. Si tel personne a pu obtenir une médaille aux jeux paralympiques alors il faut faire du sport pour "se reconstruire" et au final devenir une personne handicapée plus "acceptable". Comme d'habitude, c'est de la resucée capitaliste avec d'un coté les bons résilients et de l'autre les mauvais ratés.
J'avoue qu'en ce moment ces catégorisations m’agacent. Parce que je n'arrive pas à m'enlever de la tête qu'il n'y a que ces deux voies et pas de troisième possibilité.

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