"Je suis contente que tu ailles bien"

Parfois je n'ai plus envie de répondre à ceux qui me demandent si je vais bien. Parce que la réponse est bien plus compliqué qu'un simple oui ou non et que je n'ai pas envie de développer. Parce que ça touche des choses trop intimes dont je n'ai pas envie de parler. Parce que les vieux réflexes validistes reviennent en force et que je préfère "serrer les dents" au propre comme au figuré puisque je fais du bruxisme quand je ne suis pas bien.

Dans ces cas là, j'ai souvent des retours positifs qui m'enfoncent encore plus dans mon marasme. C'est souvent perclus de bonnes intentions mais c'est à mon sens une "preuve" que je ne suis pas écouté. J'ai l'habitude de ne pas répondre ou de détourner la conversation quand je ne sais pas quoi répondre. Je ne le fait pas uniquement quand on me demande si je vais bien. Mais cette tactique est souvent suivi d'erreur d'interprétation. C'est ce fameux "je suis contente que tu aille bien" hyper perturbant quand je n'en peux plus. D'autant que quand je vais bien, je réponds. Alors d'où viens ce principe que si je ne réponds pas c'est que tout va bien? Je crois que c'est véritablement une question sociétale plus qu'individuelle.

Avec une maladie chronique, il faut être "fort" et montrer l'exemple. J'ai grandi avec ces préjugés en mode "il y a pire". Et je n'aime pas être ce "pire", cet étalon de référence des problèmes. Alors je fais comme si tout allait bien de peur d'être perçu comme "plaintive". Je veux être cette "bonne malade" si apprécié des soignants. Au fond de moi, je sais que tout ces artifices sont vains. C'est normal d'avoir des hauts et des bas, malade chronique ou pas. Mais je suis régulièrement confronter à l'incompréhension quand j'en ai ras le bol ou même quand je parle de choix thérapeutique. La société marginalise ceux qui ne correspondent pas à la norme de l'hyperperformance ou alors elle les transforme en bête de foire repoussoir. J'apprends à me détacher de ces images mais c'est long et j'en ai marre que ce soit une nouvelle fois à moi de faire des efforts, d'expliquer encore et encore les enjeux de l'inclusion ou la lourdeur des préjugés.
Parfois, je suis fatigué de militer rien qu'à exister.

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