L'inspiration porn est un concept qui commence à se faire une place dans les milieux militants de la vie autonome. L'inspiration porn est le fait de représenter les personnes en situation de handicap uniquement comme source d'inspiration en raison de leurs exploits ou de leurs actions considérés comme telles.
Encore une fois, il s'agit d'un concept très lié à capitalisme et à ses travers. Un bon résumé a été fait par Arrêt sur images en fonction des différentes représentation du handicap dans les médias audiovisuel à l'occasion du rapport annuel du CSA pour la représentation des minorités. Parce que ce n'est pas le tout de filmer des personnes handicapées, il faut aussi voir sur quel angle. Et la plupart des représentations sont de l'inspiration porn.
J'en avais déjà parler dans mon article sur la promotion des jeux paralympiques de Chanel 4. La plupart des représentations du handicap se fait via le handicap visible. Et le plus souvent c'est à travers un exploit que la représentation est faite. Dernièrement, c'était deux personnes amputés des membres inférieurs qui ont gravi le Mont Blanc. Je ne vais pas dire que grimper le Mont Blanc est d'une banalité confondante mais c'est bien le discours médiatique autour qui pose problème. Il est question de "rebondir après un drame" donc de résilience. Le drame est bien sur de ne plus être valide mais d'être réduits à son statut d'amputé. C'est l'effet "Whaou" qui fait l'inspiration porn. C'est le coté, c'est quoi ton excuse pour ne pas gravir le Mont Blanc. Même au sein des valides, cette formulation pose problème. Le but d'une vie n'est pas forcément d'accomplir des exploits et des miracles. Il n'y a pas besoins d'être professionnellement au top, d'avoir deux gamins, la maison et le bonus animalier. C'est une représentation typiquement capitaliste. Il faut être "productif", ce qui implique souvent de ne pas cocher tous les critères d'une vie "épanouie" (même si ce concept mériterais un billet à lui tout seul). L'exploit et le miracle, c'est la cerise sur le gâteau, le point de mire de toute une vie.
L'inspiration porn ne concerne pas uniquement les personnes en situation de handicap mais aussi tous les transfuges positifs, comme les entrepreneurs qui sont issus des quartiers défavorisés. Il s'agit d'un concept qui est applicable à toute personne dont la vie n'est pas conforme aux préjugés et qui devient le héraut de leur communauté. Elle exclu tout ceux qui ne serait pas "des guerriers" et qui servent de paravents pour ne pas mettre en place de véritables politiques d'inclusions. Pourquoi engager des politiques ambitieuses comme la vie autonome pour tous puisque par le bénévolat ou à travers certains handisportifs, il existe des exemples de résilience qui n'ont pas attendus pour exister. Et puis bien sûr, il y a toujours des exemples où le bénévolat (ou tout simplement la famille) permettent de réaliser "l'exploit" comme les sorties joelette. Sauf qu'il s'agit de cas exceptionnels qui cache la réalité de la vie de la plupart des personnes de la communauté opprimé. Pourquoi avoir une politique du grand âge autre que celle de la vie en établissement si les bénévole se débrouillent pour améliorer le quotidien des personnes qui y vivent? C'est aussi le cas pour les institutions médico_social qu'elles hébergent des enfants ou des adultes. Mais comme je l'ai dis, ça concerne aussi la politique de la ville à travers l'image de l'entreprenariat.
L'inspiration porn m'énerve profondément même si j'ai moi aussi fait partie de son système de promotion. J'ai fait des trucs pour montrer que j'étais résiliente, que j'étais forte comme travailler à tout prix à temps plein alors que je faisait des crises d'épilepsie plusieurs fois par semaine. J'ai aussi repris le travail parce que je ne suis pas retourné chez le médecin pour une éventuelle prolongation. J'ai eu un doigt fracturé par une résidente d'EHPAD de 90 ans et je suis retourner travailler avant le retrait de l'orthèse parce que je me sentais honteuse de cet accident du travail. Depuis j'ai régulièrement des douleurs dans ce doigt. C'était con. Et ça m'a pris beaucoup de temps à m'en rendre compte. Je parlais encore en 2017 de la nécessaire dépression réactionelle, ce qui est une connerie fondamentale et la base de beaucoup d'inspiration porn. Cette dépression n'est en rien obligatoire et n'est que le reflets de la stratification capitaliste de la société. Pour aller vite, c'est la découverte d'une nouvelle situation de discrimination qui est le moteur de cette dépression. La société valide les corps performants et invisibilise les autres. Et c'est bien ce point de bascule qui pose problème. Il faut se reconstruire, dépasser son handicap et être résilient. Cette lecture est profondément validiste et n'est accessible qu'à une partie de la population. La résilience n'est pas innée mais acquise. Elle est d'autant moins accessible que la société la prône ne s'en préoccupe que par l'extraordinaire. Vivre de façon autonome avec un handicap même lourd n'est pas reconnu comme une forme de résilience alors que c'est la base. Travailler est également le plus souvent considéré comme normal et "inclusif". Oui parce qu'il faut inclure et non pas permettre la participation. Il faut faire entrer des carrés et des triangles dans la voie préparé pour les ronds. Parfois ça fonctionne et revoilà l'inspiration porn qui va faire du bien non pas aux concernés mais aux valides. Le monde tourne autour du valide qui valide les bons et les mauvais. Et il ne le fait que s'il peut s'identifier.
Et finalement c'est bien toute la société (et l'actuelle secrétaire d'état au handicap) qui cantonne les personnes en situation de handicap dans des ghettos que le handicap soit visible ou non. La plupart des films grand public sont de l'inspiration porn, quelque soit le sujet traité. Le pitch est quasiment toujours le même. Une personne valide a un accident qui laisse des séquelles et il va y avoir des gentils soignants (ou aide à domicile, on s'en fout) pour lui redonner le "goût de la vie". De fait, les ressorts de ces films jouent toujours sur les peurs des valides que ce soit sensé être comique ou pas. Et c'est aussi chiant qu'un dessin animé expliquant que la plus belle femme du monde doit être grande, mince et porter des talons hauts.